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Responsabilité des produits défectueux et des vices cachés : « piqûre de rappel » de la Cour de cassation

Par arrêt de cassation partielle en date du 11 janvier 2017, la Première chambre civile de la Cour de cassation nous rappelle, de manière quelque peu solennelle, que :

  • l’action des vices cachés se transmet par contrat de ventes successives ;
  • le producteur d’un produit affecté d’un défaut, quelle que soit la destination, privée ou professionnelle, de l’usage de ce produit, peut être tenu pour responsable au titre de la législation sur les produits défectueux.

Les faits :

Trois camions semi-remorques, propriété de trois sociétés du même groupe, prennent feu. Il sera démontré postérieurement que ledit sinistre résulte d’un défaut affectant les essieux.

Les trois sociétés, victimes du sinistre, demandent réparation de leurs entiers préjudices et assignent :

  • le vendeur des camions ;
  • l’équipementier et
  • le vendeur des essieux.

Arrêt de la Cour d’appel :

La Cour d’Appel retient la responsabilité du fabricant des essieux au titre des produits défectueux et des vices cachés et met hors de cause les autres défendeurs.

Arrêt de la Cour de cassation :

La Première Chambre Civile de la Cour de Cassation rejette le moyen tiré de la violation de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (ii), mais casse l’arrêt de la Cour d’Appel aux motifs qu’elle a mis hors de cause les vendeurs successifs (à savoir, le vendeur des camions et l’équipementier) sans se prononcer sur leur responsabilité au titre de la garantie des vices cachés (i).

(i) En l’espèce, la cassation résulte de l’absence de réponse de la Cour d’appel du moyen tiré de la responsabilité des vendeurs successifs d’un produit entaché de défaut.

Il résulte des dispositions de l’article 1641 du Code Civil que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue … ».

La garantie des vices cachés se transmet en principe avec la chose vendue au sous-acquéreur (En ce sens, notamment : Cass. Civ. 1ère 19 janvier 1988).

En revanche, si le vendeur professionnel est tenu de réparer toutes les conséquences dommageables du vice caché, aussi bien le dommage causé par la vente que celui causé par la chose atteinte du vice, l’acquéreur, également vendeur professionnel, qui a effectivement décelé ce vice après la livraison, ne peut se faire garantir par son propre vendeur des conséquences de la faute qu’il a commise en revendant le produit en connaissance de cause (En ce sens, notamment : Cass. Civ. 1ère 3 juillet 1985).

En l’espèce, le vendeur des camions et l’équipementier ont agi en qualité de vendeurs professionnels. A ce titre, ils auraient pu engager leurs responsabilités au titre de la garantie des vices cachés.

En effet, ils ne pouvaient pas être mis hors de cause au seul motif que les sinistres trouvaient leur origine dans un défaut affectant les essieux.

Ainsi, le vendeur des camions et l’équipementier, vendeurs professionnels, ne peuvent pas totalement être exonérés de toute responsabilité au titre de la garantie des vices cachés.

(ii) Puis, dans un visa de principe, la Cour de Cassation rappelle :

« il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que la réparation des dommages causés à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage ne relève pas du champ d’application de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (arrêt du 4 juin 2009, moteurs Leroy Somer, C-285/08), la même directive s’applique, en revanche, au producteur d’un produit affecté d’un défaut, quelle que soit la destination, privée ou professionnelle, de l’usage de ce produit ».

La directive susmentionnée a été transposée dans l’ordre juridique français dans le Code civil, initialement sous les articles 1386-1 et suivants et aujourd’hui, sous les articles 1245 et suivants du même Code.

En application de ces textes, sont réparables les dommages corporels et matériels occasionnés par un produit défectueux, autres que le produit défectueux lui-même. Sont également exclus, au regard de la directive, les « dommages causés à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage ».

En l’espèce, la Cour de cassation se contente d’affirmer que la directive susvisée et les textes de transposition sont, en tout état de cause, applicables au producteur d’un produit affecté de défaut.

En revanche, elle refuse de préciser, comme la Demanderesse au pourvoi l’y invitait, sur le caractère, professionnel ou privé, de l’usage de la chose affectée de désordre.

La raison en est simple, cet argument n’avait pas été utilement discuté devant la juridiction d’appel.

En revanche, il est peut-être utile de rappeler que, dans son arrêt du 4 juin 2009 (susmentionné), la Cour de justice de l’Union européenne a précisé que :

« La directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à l’interprétation d’un droit national ou à l’application d’une jurisprudence interne établie selon lesquelles la victime peut demander réparation du dommage causé à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage, dès lors que cette victime rapporte seulement la preuve du dommage, du défaut du produit et du lien de causalité entre ce défaut et le dommage. ».