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Point sur l’actualité en matière de compétence juridictionnelle ou application de la règle « forum rei sitae »

Le règlement (CE) du Conseil n°44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit le règlement Bruxelles 1, a de nouveau été soumis à la sagacité de la Haute juridiction française.

Selon arrêt de cassation partielle sans renvoi du 20 avril 2017, la Première chambre civile de la Cour de cassation a jugé, au visa des articles 22 et 25 dudit règlement, que :

 « le juge espagnol est seul compétent pour connaître d’un litige relatif à la propriété et au partage, entre des résidents français, d’une indivision portant sur un immeuble situé en Espagne, de sorte que le juge français doit relever d’office son incompétence ».

 L’article 22 susvisé se situe dans la Section 6 intitulée « Compétences exclusives » et son premier alinéa dispose :

« Sont seuls compétents, sans considération de domicile:

 1) en matière de droits réels immobiliers et de baux d’immeubles, les tribunaux de l’État membre où l’immeuble est situé. »… .

Aux termes de l’article 25, situé dans la section 8 intitulée « Vérification de la compétence et de la recevabilité », « le juge d’un État membre, saisi à titre principal d’un litige pour lequel une juridiction d’un autre État membre est exclusivement compétente en vertu de l’article 22, se déclare d’office incompétent. ».

 Il résulte de ces dispositions donc que seuls les juges du lieu de situation de l’immeuble sont compétents. En cas d’infraction à cette règle, la juridiction inopportunément choisie doit relever d’office son incompétence.

Ainsi, en l’espèce, la Cour de cassation fait une juste application du texte européen.

Cette règle diffère, en revanche, du droit interne parce que, selon l’article 46 du Code de procédure civile, « le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur … en matière mixte, la juridiction du lieu où est situé l’immeuble ».

Alors qu’une option est offerte au justiciable en France entre la juridiction du lieu du domicile du défendeur et celle du lieu où est situé l’immeuble, en droit européen, demeure seul compétent le juge du lieu de la situation de l’immeuble.

Dans l’arrêt susvisé, la Cour de cassation va plus loin dans son enseignement parce qu’elle précise que, « relève de la catégorie des litiges “en matière de droits réels immobiliers”, au sens de cette disposition, une action en dissolution, au moyen d’une vente dont la mise en œuvre est confiée à un mandataire, de la copropriété indivise sur un bien immeuble ».

Autrement dit, la liquidation d’une indivision comportant un bien immobilier relève de la compétence du juge du lieu de situation de l’immeuble (forum rei sitae). Ainsi, la Haute juridiction reprend la solution proposée par la Cour de Justice de l’Union Européenne notamment dans son arrêt du 17 décembre 2015. Plus généralement, la jurisprudence de la Haute Cour Européenne sur ce point est constante.

Quels sont donc les enseignements qu’il convient d’en retirer ?

Tout d’abord, les ressortissants européens domiciliés dans un autre Etat membre ne pourront pas saisir la juridiction du domicile du défendeur dans une demande de liquidation d’indivision. Il leur appartient de saisir la juridiction du lieu de l’immeuble dont le partage est demandé.

Ce principe est également applicable aux ressortissants français propriétaires d’un bien immobilier situé à l’étranger.

En effet, le règlement Bruxelles 1 bis est de nature à évincer les lois internes quand un élément d’extranéité apparaît.

Pour être tout à fait complet sur la question, il convient de préciser que cette solution rendue en application du règlement Bruxelles 1 ne devrait pas être modifiée dans le prolongement de l’entrée en vigueur du règlement Bruxelles 1 bis n° 1215/2012 applicable aux litiges nés depuis le 10 janvier 2015.

En effet, les dispositions des articles 22 et 25 du règlement Bruxelles 1 sont désormais reprises de manière identique, aux articles 24 et 27 du règlement Bruxelles 1 bis.