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Rappel par la Chambre mixte de la Cour de cassation du principe de primauté du droit de l’Union européenne

L’arrêt de la Chambre mixte de la Cour de cassation du 7 juillet 2017 ne pouvait pas passer inaperçu. Dans cet arrêt, la Haute juridiction rappelle, de manière solennelle, le principe de primauté du droit de l’Union européenne sur le droit national.

Pour la bonne compréhension de cette décision, commençons par un bref rappel des fondamentaux…

Le droit communautaire est axé sur 2 principes : celui de sa primauté sur les droits nationaux et celui de son effet direct.

Dans la hiérarchie des normes, le droit communautaire est considéré comme supérieur au droit national. Il conduit à écarter une norme nationale, y compris postérieure, au profit d’une norme communautaire.

Ce principe, non compris initialement dans les traités, a été consacré par le célèbre arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 15 juillet 1964 COSTA c/ ENEL.

L’effet recherché était d’apporter une protection juridique unifiée à tous les citoyens européens.

Ainsi, le juge national doit faire prévaloir cette primauté quelque soit la norme communautaire à appliquer : primaire (traités) ou dérivée (règlement, directive).

Dans son arrêt du 7 juillet 2017, la Chambre mixte annonce dans un visa soigneusement rédigé :

« si le juge n’a pas, sauf règles particulières, l’obligation de changer le fondement juridique des demandes, il est tenu, lorsque les faits dont il est saisi le justifient, de faire application des règles d’ordre public issues du droit de l’Union européenne, telle la responsabilité du fait des produits défectueux, même si le demandeur ne les a pas invoquées ».

Les faits étaient les suivants : en 2004, un agriculteur avait été intoxiqué par les vapeurs d’un herbicide commercialisé par la société MONSANTO. Ce produit avait été mis en circulation en 1968, soit antérieurement à la date d’effet de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux. Par arrêt en date du 10 septembre 2015, la Cour d’appel de LYON a jugé que la société MONSANTO était responsable à l’égard de l’agriculteur sur le fondement de l’ancien article 1382 du Code civil (devenu article 1240).

La Chambre mixte casse cet arrêt aux motifs que :

« Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé, d’une part, que M. X… alléguait avoir acheté le produit ayant causé le dommage en avril 2004 à une coopérative agricole, qui l’avait acquis deux ans plus tôt de la société Monsanto, ce qui rendait possible que cette dernière en ait été le producteur et avait pour conséquence que la date de mise en circulation de ce produit, qui ne saurait résulter de la seule autorisation de mise sur le marché, pouvait être postérieure à la date d’effet de la directive susvisée, d’autre part, qu’il imputait l’origine de son dommage à l’insuffisance des mentions portées sur l’étiquetage et l’emballage du produit, en sorte qu’elle était tenue d’examiner d’office l’applicabilité au litige de la responsabilité du fait des produits défectueux, la cour d’appel a violé les textes et les principes susvisés ; ».

En effet, il résulte des faits de l’espèce que la vente du produit incriminé était postérieure à la date d’effet de la directive relative aux produits défectueux.

Il appartenait donc, selon la Chambre mixte, à la Cour d’appel d’examiner d’office l’applicabilité au litige de la responsabilité du fait des produits défectueux, peu importe que les parties au litige s’y soient référées ou non.

Autrement dit, la Cour de cassation rappelle la primauté du droit de l’Union européenne sur le droit national et l’obligation pour les juges nationaux d’assurer l’effectivité de ce droit.