L’état d’urgence sanitaire a été prononcé par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie COVID-19 pour une période initiale de 2 mois à compter de son entrée en vigueur, soit du 24 mars 2020 jusqu’au 24 mai 2020.
Une multitude d’ordonnances se sont succédées le 25 mars suivant visant à adapter le droit français à la crise sanitaire, l’objectif étant de préserver autant que faire se peut l’économie française et prévenir, dans la mesure de possible, les faillites en cascade.
Les preneurs à bail commercial ou professionnel ont pu bénéficier des mesures édictées par l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de COVID-19 et par certaines dispositions édictées dans l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.
Ces textes visent incontestablement à protéger les preneurs à bail commercial ou les preneurs à bail professionnel. Même s’il est permis de croire que l’objectif qui a inspiré leur rédaction était noble, ils engendrent des conséquences parfois difficilement supportables pour les bailleurs.
Ainsi, en l’absence de toute négociation avec le bailleur concernant le règlement des loyers pendant la période de la crise sanitaire qui nous affecte tous (tant preneurs que bailleurs), quels sont les droits que les preneurs peuvent revendiquer ?
- Quid du règlement des loyers :
1.1. Il résulte de l’article 1er du décret n° 2020-378 du 31 mars 2020 relatif au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de COVID-19 que peuvent bénéficier de cette mesure les preneurs « personnes physiques et personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique, remplissant les conditions et critères définis aux 1° et 3° à 8° de l’article 1er et aux 1° et 2° de l’article 2 du décret n° 2020-371 ».
Autrement dit, peuvent bénéficier de cette mesure les agents économique exerçant soit à titre individuel, soit sous une forme sociale dès lors qu’ils remplissent les conditions pour bénéficier du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie COVID-19.
1.2. L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-3016 prévoit que ces mêmes preneurs n’encourent pas « de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation de garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels ou commerciaux ».
L’alinéa 2 de ce même article précise que sont concernés les « loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire ».
Autrement dit, le gouvernement n’a pas prévu de suspension ou de report des loyers stricto sensu mais a ordonné l’absence d’application de pénalités et d’intérêts de retard en cas d’absence de paiement des loyers commerciaux et professionnels pendant une période allant du 12 mars 2020 au 24 juillet 2020, cette dernière date pouvant être modifiée en fonction de la durée de l’état d’urgence.
Les textes n’imposent ni annulation, ni suspension, ni report des loyers.
1.3. De surcroît, pour bénéficier de cette mesure, les preneurs doivent justifier qu’ils remplissent les conditions pour bénéficier de l’aide relevant du fond de solidarité.
Il résulte de l’article 2 du décret n° 2020-378 qu’ils doivent joindre à leurs demandes adressées aux bailleurs :
- une déclaration sur l’honneur attestant du respect des conditions d’accès au fonds de solidarité et l’exactitude des informations déclarées ;
- ainsi que l’accusé de réception du dépôt de leur demande d’éligibilité au fonds de solidarité ou une déclaration de cessation de paiements, ou bien, du jugement d’ouverture d’une procédure collective.
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Alors que certains preneurs ont cru pouvoir purement et simplement s’affranchir du paiement des loyers commerciaux ou professionnels pendant cette période de crise sanitaire, il apparaît que cette mesure n’a rien d’automatique.
Conséquemment, nous ne pouvons qu’inviter tant les preneurs que les bailleurs de reprendre le dialogue pour envisager pour les premiers la pérennité de leur exploitation et pour les deuxièmes d’éviter des difficultés financières générées par l’absence de perception des loyers.
- Quid de la mise en œuvre des clauses résolutoires pendant la crise sanitaire :
Aux termes de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, « les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période »du 12 mars 2020 jusqu’à un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire (soit à ce jour, jusqu’au 24 juin 2020).
Il résultait de l’alinéa 2 de cet article que ces mêmes clauses ne pouvaient produire, de nouveau, effet qu’à compter de l’expiration d’un délai d’un mois après la période susvisée, soit après le 24 juillet 2020.
L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 a remplacé l’alinéa 2 de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 par les 2 alinéas suivants:
« Si le débiteur n’a pas exécuté son obligation, la date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets est reportée d’une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée. »
« La date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses prennent effet, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation, autre que de sommes d’argent, dans un délai déterminé expirant après la période définie au I de l’article 1er, est reportée d’une durée égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la fin de cette période. »
Ce mécanisme, défini comme subtil par certains commentateurs, apparaît plus ou moins favorable aux preneurs.
À l’heure de la présente note, une chose est sûre: le contentieux sera abondant.
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Les bailleurs commerciaux ne sont pas tous des SCPI. Certains bailleurs commerciaux sont des personnes physiques, souvent des retraités qui ont besoin des loyers commerciaux pour compléter leurs retraites. D’autres sont des SCI de famille qui ont fait le choix d’acquérir un local commercial et le louer à un agent économique. Pour ce faire, très souvent, ces SCI ont eu recours à un crédit, les loyers étant destinés à couvrir les échéances du prêt bancaire.
Or, les SCI ne peuvent pas bénéficier des mesures gouvernementales, elles sont tenues d’assumer les échéances d’un crédit, alors que les locataires peuvent suspendre les paiements de leurs loyers sans pénalités.
L’injustice est flagrante dans la mesure où dans les SCI de famille, les associés sont souvent des personnes physiques. Si les associés de ces SCI sont dans l’incapacité d’alimenter leurs comptes courants d’associés et avancer les sommes pour les échéances du crédit bancaire, ils se trouveront nécessairement en difficulté. Rappelons simplement que les associés d’une SCI sont indéfiniment et conjointement responsables des dettes sociales. Devront-ils se défaire de tous leurs biens pour assurer le paiement du crédit ?
Pourquoi aucune mesure n’est prévue pour les bailleurs commerciaux et pourquoi devront-ils supporter cette crise sans aide ?
Tant de questions et si peu de réponses…
Dans cette période d’incertitude et de crainte légitime, on ne peut que prôner davantage la bonne foi contractuelle car si le bailleur se retrouve en état de cessation des paiements, le preneur pourrait mettre en péril l’un des éléments fondateurs de son fonds de commerce, son droit au bail…
Preneurs, bailleurs, soyez solidaires et discutez !
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